DES LITIÈRES ALTERNATIVES À LA PAILLE DE BLÉ
En litière accumulée, la réduction des quantités de paille a un impact négatif sur la croissance des jeunes bovins. En revanche, certaines matières premières présentent une capacité d'absorption suffisante pour se substituer à la paille de blé.
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DANS LE CONTEXTE LORRAIN, où 70 % des céréales d'hiver ont été détruites par le gel au début du printemps, la recherche d'alternatives aux pailles de blé est un enjeu fort. Ces surfaces ont naturellement été ressemées avec du maïs et des céréales de printemps, mais les rendements en paille sont nettement inférieurs : celui de la paille d'une orge de printemps est de 2,8 t/ha contre 4 t/ha pour un blé. « En 2012, on estime autour de 20 % la diminution de la production de paille en Lorraine, un manque à gagner de 400 000 t de matières premières », souligne Marjorie Bouchier, chargée de mission à l'Institut du végétal.
Outre les aléas climatiques, l'utilisation de la paille pour l'alimentation, la filière bioénergie et la fibre, la concurrence avec les acheteurs des pays limitrophes ou la réticence des céréaliers à exporter leur paille pose un problème récurrent de disponibilité et de d'augmentation du prix de la paille destinée à la litière.
C'est pour répondre à cette problématique que la Région Lorraine a financé une étude, conduite par Arvalis-Institut du végétal sur la ferme expérimentale de Saint-Hilaire-en-Woëvre (Meuse), permettant d'apprécier différentes alternatives à la paille de blé. « L'objectif du travail réalisé en station repose sur l'utilisation de matières premières disponibles sur l'exploitation ou dans la région ».
Selon les statistiques Agreste de septembre 2009, la stabulation libre sur aire paillée concernait 75 % des exploitations en Lorraine. Le premier volet de l'étude a donc consisté à mettre en place un essai sur des lots de dix sept taurillons en ration sèche afin de comparer, pendant sept semaines, quatre alternatives à une litière à base de paille de blé (3 kg/ taurillon/jour) : la paille de colza, la menue paille, une sous-couche de plaquettes de bois et la diminution de 50 % des quantités de paille apportées quotidiennement.
LA MENUE PAILLE PAS CONVAINCANTE
La réduction de la quantité de paille à 1,5 kg/taurillon entraîne une dégradation progressive de la note de propreté, avec un risque de pénalités en cas de livraisons d'animaux sales en abattoirs. « Cette pratique sur des animaux en fin d'engraissement pourrait également avoir contribué à une baisse de 500 g de GMQ au cours de la période d'observation », souligne Marjorie Bouchier. L'utilisation des plaquettes de bois (4 cm), issues de haies d'exploitation, a permis de réduire la consommation de paille de 30 %, sans dégradation de la propreté mais avec un impact négatif sur le GMQ de 300 g qui reste à analyser. Cette pratique consiste à appliquer une sous-couche de 10 cm de plaquettes, qui autorise l'absence de paillage pendant dix jours. Par la suite, un paillage est réalisé quotidiennement, à raison de 2 kg/j. En revanche, sur une litière accumulée, la menue paille(1) est déconseillée. « Livrée entre 50 et 80 €/t, il faut augmenter la quantité de 50 % par rapport à la paille de blé pour obtenir la même propreté. La manipulation est plus délicate, génère beaucoup de poussière et le fumier doit être composté pour détruire les graines d'adventices qu'il contient. »
COLZA, UNE MATIÈRE PLUS RUGUEUSE
Pour compenser le déficit en céréales d'hiver enregistré cette année, la paille de colza peut tout à fait être valorisée. Elle présente une capacité d'absorption proche d'une paille de blé, garante d'un bon niveau de propreté. « Nous avons observé sur des taurillons une légère baisse de GMQ, mais non significative d'un point de vuestatistique. Ceci est sans doute lié à une situation d'inconfort que nous avons pu mesurer grâce à l'indicateur de distance de fuite. Cet indicateur mesure la distance à partir de laquelle l'animal prend la fuite à proximité de l'homme. La paille de colza est en effet plus piquante. Une solution économique consisterait à l'utiliser en mélange. » Dans tous les cas, les relevés de températures à 10 cm de profondeur n'ont révélé aucune élévation supérieure à 25°C(2). Si, avec 2 t de paille par hectare, le colza ne peut être qu'une solution de secours, de son côté, le triticale est une véritable alternative à remettre au goût du jour dans l'assolement des exploitations en polyculture-élevage de Lorraine, notamment sur des terres moins propices à la culture du blé : « Le triticale affiche le meilleur rendement en paille (6 t/ha) et celle-ci se révèle la plus absorbante. » La suite de l'étude Arvalis a permis d'évaluer la capacité d'absorption d'une trentaine de matières premières potentiellement utilisables pour la litière.
Il en découle des niveaux d'absorption très variables. Pour l'anecdote, les matériaux destinés le plus souvent à l'isolation se révèlent très absorbants, mais trop coûteux (300 €/t de chènevotte). Respectant le principe qu'un brin court absorbe davantage grâce à une plus grande surface d'absorption, les pailles de blé ou de chanvre broyé sont très efficientes sur ce critère, mais destinées à une utilisation en logettes sur tapis, à de faibles quantités (200 g/ logette/jour, à 250 €/t). « Le miscanthus ensilé peut produire, en troisième année d'exploitation, jusqu'à 15 t de MS/ha, mais c'est une litière très ligneuse qui peut provoquer des irritations et dont les capacités d'absorption sont moindres. »
VALORISER LES HAIES D'EXPLOITATION
L'intérêt des plaquettes est directement lié aux disponibilités et au prix de la paille. En effet, il faut 4 m3 de plaquettes pour compenser 1 t de paille. Avec un prix moyen de 18,50 €/ m3 pour les plaquettes autoproduites (25 €/m3 achetés), le broyage des haies d'exploitation présente un réel intérêt lorsque le prix de la paille dépasse 74 €/t. Par ailleurs, l'étude révèle que les pailles des cultures de printemps ont des capacités d'absorption proches de celles du blé. « Au-delà de l'origine de la paille, les conditions de récolte et de stockage sont déterminantes pour le taux d'absorption, prévient Marjorie Bouchier. Selon le niveau de matière sèche, une paille de blé absorbera entre 2,8 et 3,5 l d'eau. »
JÉRÔME PEZON
(1) La menue paille est composée des débris de paille, enveloppes, tiges et graines récoltées par la moissonneuse grâce à un récupérateur spécifique. (2) En élevage laitier, 40°C est la limite au-delà de laquelle un développement bactérien anormal peut générer une situation sanitaire à risques
L'utilisation des copeaux pour la litière concerne principalement les vaches allaitantes. Les producteurs laitiers les réservent pour le paillage des animaux d'élevage. © SÉBASTIEN CHAMPION
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